« Inacceptable », « mesures injustes »…, indignation à travers le monde après que le président américain a déclaré jeudi vouloir fortement taxer les importations.
L’annonce, jeudi 1er mars, par le président américain, Donald Trump, de l’imposition dès la semaine prochaine de fortes taxes sur les importations d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis a suscité des réactions indignées dans le monde entier, laissant poindre le risque d’une guerre commerciale.
Les Etats-Unis imposeront la semaine prochaine des droits de douane de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur les importations d’aluminium afin de défendre une industrie sidérurgique américaine « décimée par des décennies de commerce inéquitable ».
M. Trump a ajouté, vendredi, sur son compte Twitter que « les guerres commerciales sont justifiées et faciles à gagner ».
« Quand un pays (Etats-Unis) perd des milliards de dollars en commerçant avec pratiquement tous les pays avec lesquels il fait des affaires, les guerres commerciales sont justifiées et faciles à remporter. Par exemple, quand nous sommes en déficit de 100 milliards de dollars avec un certain pays et qu’il devient gentil, ne fait plus de commerce, nous gagnons gros. C’est facile ! »
Union européenne : « Nous ne resterons pas les bras croisés »
« Nous regrettons fortement » cette décision américaine, a réagi Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. « Au lieu d’apporter une solution, cette décision ne peut qu’aggraver les choses, a-t-il prévenu dans un communiqué. Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que notre industrie est frappée par des mesures injustes. »
« L’UE entamera le plus tôt possible des consultations sur le règlement des différends avec les Etats-Unis à Genève », siège de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a ajouté, dans le même communiqué, la commissaire au commerce européenne, Cecilia Malmström.
Une « guerre commerciale » entre l’Europe et les Etats-Unis « ne fera que des perdants », a rétorqué, vendredi, le ministre de l’économie français, Bruno Le Maire. De telles mesures, si elles étaient confirmées, ne seraient « pas acceptables », elles auraient « un impact majeur » sur l’économie européenne, et appelleraient « une réponse forte, coordonnée et unie de l’UE », a ajouté M. Le Maire.
Le ministre des affaires étrangères allemand, Sigmar Gabriel, a déclaré, vendredi, que « l’UE [devait] réagir de manière ferme aux taxes douanières punitives des Etats-Unis qui menacent des milliers d’emplois en Europe ».
En Allemagne, l’association de la sidérurgie Stahl a dénoncé « des mesures qui violent les règles de l’OMC », exigeant l’intervention de l’UE. « Si l’Europe n’agit pas, notre sidérurgie va payer l’addition pour le protectionnisme américain ».
L’ambassade britannique à Washington, tout en assurant être en discussion avec les Américains, a réagi dans un communiqué : « Nous avons été clairs sur le fait que nous sommes particulièrement inquiets de toute mesure qui pourrait avoir des conséquences sur l’acier du Royaume-Uni et sur ses industries d’aluminium. »
L’OMC met en garde contre une « guerre commerciale »
L’Organisation mondiale du commerce s’est dite « clairement préoccupée », vendredi, par la décision du président américain, a fait savoir le patron de l’OMC. « Une guerre commerciale ne serait dans l’intérêt de personne », a déclaré Roberto Azevedo dans une déclaration écrite.
Pour le directeur général, « le risque d’escalade est réel, comme l’ont montré les premières réponses des autres » pays. « L’OMC surveillera la situation de près », conclut-il.
Russie : « Nous partageons la préoccupation des capitales européennes »
Le Kremlin a exprimé, vendredi, sa « préoccupation », assurant que Moscou allait « analyser attentivement » ses relations commerciales avec Washington. « C’est une situation qui mérite la plus grande attention. De nombreuses capitales européennes ont déjà exprimé leur extrême préoccupation par rapport à cette décision. Nous partageons cette préoccupation et allons analyser attentivement la situation en ce qui concerne nos relations commerciales avec Washington », a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Canada : « Tout tarif imposé serait inacceptable »
« Tout tarif ou quota qui serait imposé à notre industrie canadienne de l’acier et de l’aluminium serait inacceptable », a déclaré, jeudi, le ministre du commerce international canadien, François-Philippe Champagne.
Le Canada est le premier fournisseur d’acier et d’aluminium des Etats-Unis, et le gouvernement n’a pas manqué de souligner que cette décision risque de jouer contre les industriels américains.
De son côté, le syndicat nord-américain des sidérurgistes United Steelworkers, principalement actif aux Etats-Unis et au Canada, exige que les producteurs d’acier et d’aluminium canadiens soient exclus des mesures annoncées par M. Trump. « Le Canada n’est pas l’un de ces “mauvais acteurs” impliqués dans le commerce injuste et le dumping de l’aluminium et de l’acier vers les Etats-Unis », argue le syndicat.
Australie : « Je crains que nous ne constations des mesures de représailles »
Le projet de Donald Trump entraînera des distorsions du commerce mondial et des pertes d’emploi, a déclaré, vendredi, le ministre du commerce australien. « L’imposition de droits de douane comme ceux-là ne fera rien d’autre que fausser le commerce et, in fine, pensons-nous, conduira à une perte d’emplois », a déclaré Steven Ciobo, qui a dit craindre « des mesures de représailles mises en place par d’autres grandes économies ».
L’Australie, qui souhaite promouvoir le partenariat transpacifique dont M. Trump s’est désengagé, a demandé que son acier et son aluminium vendus aux Etats-Unis soient exemptés des mesures annoncées.
Chine : « Respecter les règles du commerce multilatéral »
Le chef de la Maison Blanche a promis de sanctionner ce qu’il considère comme des pratiques commerciales déloyales, notamment de la part de la Chine — bien que le pays ne représente que 2 % des importations américaines d’acier, son expansion industrielle massive a contribué à une production d’acier surabondante au niveau mondial, qui a fait reculer les prix. « Les conséquences pour la Chine ne sont pas très importantes », a déclaré Li Xinchuang, vice-secrétaire général de l’Association chinoise du fer et de l’acier.
« La Chine demande aux Etats-Unis de refréner leur recours à des mesures protectionnistes et de respecter les règles du commerce multilatéral, a déclaré Hua Chunying, une porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois. Si d’autres pays lui emboîtaient le pas, cela aurait un impact grave sur l’ordre du commerce mondial. »
L’Asie dubitative
La Corée du Sud, troisième exportateur d’acier aux Etats-Unis, derrière le Canada et le Brésil, a annoncé qu’elle allait poursuivre le dialogue avec les responsables américains jusqu’à la finalisation des projets de Washington. « Pour nous, le scénario le pire était un droit de douane de 54 %, a déclaré un responsable du ministère du commerce sud-coréen sous couvert de l’anonymat. Si l’option d’un droit de douane global d’au moins 24 % est retenue, cela affectera quand même nos exportations d’acier aux Etats-Unis. »
En Thaïlande, qui exporte son acier principalement dans les autres pays d’Asie, le président de la section sidérurgie de la Fédération des industries thaïlandaises, Vikrom Wacharakrup, s’est dit préoccupé par la réaction des autres exportateurs mondiaux et par ce qu’il se passera en ce qui concerne l’acier qui ne pourra être vendu aux Etats-Unis.
Le ministre de l’industrie et du commerce japonais, Hiroshige Seko, a dit, pour sa part, continuer à rechercher une « clarification » de la part des Etats-Unis. « Je ne pense pas que les exportations d’acier et d’aluminium du Japon, qui est un allié des Etats-Unis, portent atteinte d’une façon ou d’une autre à la sécurité nationale des Etats-Unis, et nous voudrions expliquer cela aux Etats-Unis », a-t-il dit.
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