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Le franco-allemand, ça n’existe pas : inventons-le !


Europe : la responsabilité de la France et de l’Allemagne est historique : il faut innover.

Derrière ce cri un peu provocateur, de quoi parle-t-on quand on dit "franco-allemand" ?

Les relations franco-allemandes ou l’amitié franco-allemande, c’est avant tout une notion diplomatique. Pour la majorité d’entre nous, c’est quelque chose de particulier qui nous unit et qui vient du passé. C’est bien sûr le traité de l’Élysée qui, grâce à De Gaulle et Adenauer, a consacré la réconciliation de deux pays avec une rare intelligence et qui compte peu ou pas d’équivalent dans le monde. C’était en 1963.

Pour se rafraichir la mémoire, 1963, c’est l’année où Kennedy s’essaye à l’allemand à Berlin en déclarant : "ich bin ein Berliner". C’est également l’année ou il meurt assassiné. C’est aussi l’année où l’on installe le fameux téléphone rouge entre la Maison-Blanche et le Kremlin. Bref, on vit dans un monde à l’époque qui, pour les Millenials actuels, pourrait être l’équivalent aujourd’hui de quelque chose comme le Moyen-Âge. Ladite génération Y se prononce d’ailleurs "why" en anglais et ce n’est sans doute pas un hasard.

Concernant le "franco-allemand" comme on dit, on n’y échappe pas non plus : WHY ? Pourquoi entend-on parler régulièrement du moteur ou bien encore du couple franco-allemand ? En a-t-on besoin ?

  • La relation franco-allemande est à la fois singulière et unique, et solidement ancrée dans un contexte datant d’un demi-siècle.

  • Cela reste néanmoins quelque chose de confidentiel, car vu de l’étranger, ce n’est pas considéré comme un enjeu majeur susceptible de modifier la marche du monde, le sujet nous étant propre.

  • Enfin, c’est souvent aussi un sujet d’initié dans un milieu particulier pour lequel il s’agit d’une évidence.

Mais pour tous les autres, aujourd’hui, on ne sait plus vraiment pourquoi. Guère étonnant, car en 2018 nous sommes au début de la révolution digitale et l’ordre mondial établi est en train d’imploser à une aussi grande vitesse qu’il aura mis du temps à s’installer.

Qu’existe-t-il de véritablement franco-allemand issu de la volonté des deux États ? Pour des critères d’aujourd’hui, beaucoup de choses et rien à la fois.

Airbus – du moins à l’origine – et Arte. Quelques initiatives diplomatiques communes fortes. Ces exemples constituent la minorité visible des vraies et belles réalisations communes concrètes.

Pour la majorité – hélas – invisible par le grand public des efforts remarquables de rapprochement entre deux nations indépendantes :

- La brigade franco-allemande

- Un système de formation de contrôleurs aériens parfaitement intégré (militaire)

- Un réseau de jumelages binationaux de villes et de communes unique au monde par son foisonnement et sa densité

- Des échanges culturels d’une remarquable richesse

- Un apprentissage réciproque des langues garanti par le Traité de l’Élysée

- Une université franco-allemande à Sarrebruck

- Un tissu d’échanges scientifiques

- Un Office franco-allemand de la Jeunesse ayant à son crédit une bonne part de la connaissance mutuelle de nos deux pays

- Quelques structures communes essentiellement dans le domaine de la connaissance du type Office franco-allemand pour les énergies renouvelables

- Une pléthore d’organismes conjoints et surtout des échanges bien réels de personnels dans de nombreux ministères et institutions.

Pour le reste, en dehors de l’incroyable effort d’investissement français en Allemagne de l’Est juste après la chute du Mur et largement téléguidé alors par François Mitterrand, il s’agit avant tout d’initiatives privées et issues de l’économie privée.

C’est par exemple environ 1 million de salariés français et allemands basés dans les deux pays et bien sûr entre 10 et 15 points de richesse nationale si l’on regarde les échanges.

Dans un monde de réseaux sociaux, quelle est l’image qui ressort en premier lorsqu’on pense à franco-allemand ?

Au mieux, les commémorations (encore le passé) des deux dernières guerres mondiales, animées il est vrai par des jeunes des deux pays. Ne valons-nous pas mieux que çà ?

Il n’y a jusqu’à présent aucune image franco-allemande venant spontanément à l’esprit qui représente le monde d’aujourd’hui :

rien en économie,

rien en innovation,

rien en réseaux sociaux.

Bref, aucun outil commun de projection de puissance moderne.

Ne vous méprenez pas : la relation franco-allemande est, telle qu’elle a été élaborée jusqu’ici, un véritable trésor. À ce titre, il est juste de rendre hommage à tous ceux qui l’ont rendu possible. Je dis simplement qu’on ne peut pas télécharger une application de smartphone sur un PC fonctionnant à disquettes. L’image est excessive, mais utile. En un mot, le franco-allemand sent le formol et n’est plus adapté aux enjeux colossaux de ce siècle.

Alors pourquoi voulons-nous une relance du moteur franco-allemand ?

En dehors du fait que si l’on parle de relance, c’est que tout le monde a bien compris que ledit moteur franco-allemand avait un sérieux problème de couple.

Parce que le moment est critique pour l’Europe de demain et la responsabilité des deux gouvernements, français et allemands, historique. Le choix est simple : soit on arrive à mettre en place un nouveau deal franco-allemand ambitieux et conquérant qui entraine avec lui d’autres nations, soit l’Europe telle que nous la voulions (proche, juste et puissante, en un mot utile) est morte.

Outils de déploiement

Avant toute chose, créer une task force franco-allemande interdisciplinaire - ndlr: engageant les citoyens - car l’ampleur de la tâche est immense.

Objectif : Audit global de tous les programmes publics de coopération existant dans le franco-allemand. Établir les redondances et identifier les lacunes. Repérer les dysfonctionnements et passer au crible les budgets et moyens alloués : est-ce efficace ? Les dispositifs en place ont-ils moyens d’effectuer correctement leur travail ? Quels sont leurs budgets ? Est-ce vraiment suffisant ?

On associe étroitement la société civile des deux pays au travail des 2 gouvernements via une plateforme citoyenne en lien direct avec la task force.

Car, en 2018, on ne fonctionne plus tout à fait comme en 1963 où deux illustres personnages pouvaient décider quasiment seuls d’un sujet aussi engageant pour des populations entières.

La société civile délivre sa vision du sujet franco-allemand, avec en ligne de mire permanente l’Europe. Mi-think tank, mi-convention de citoyens engagés, cette plateforme recueille, analyse, synthétise et restitue ses conclusions avec des propositions concrètes et innovantes dans un rapport remis aux deux gouvernements. Ce livre blanc, bâti autour de 3 axes : le climat, l’économie et la défense, est destiné à aider à repenser entièrement le logiciel de notre partenariat franco-allemand.

Cette task force qui agit comme un make tank permettrait de se mettre d’accord en amont sur la base d’un plan de quasi-coalition débouchant sur un nouveau Traité d’alliance franco-allemand actuellement en cours d’élaboration par les deux gouvernements lequel contiendrait :

Les relais de croissance via des projets économiques communs précis. Par exemple : le fonds d’investissement annoncé depuis plusieurs années par les deux gouvernements. Combien ? Comment ? Quels secteurs clés ? Quels acteurs et avec quel financement ? La création d’un fonds d’innovation franco-allemand est un bon axe, mais il convient de préciser ce projet.

Devenir le leader mondial de la Transition écologique.

Créer une Agence d’innovation franco-allemande : dotée d’un bras armé financier sous forme de fonds d’investissement.

Création de zones franches supplémentaires dans l’espace frontalier pour favoriser l’émergence de futurs champions européens liés à la révolution digitale.

Harmonisation dans les deux pays de ce qui fait encore obstacle à une économie plus fluide et plus juste (différents taux d’impôts sociétés, TVA, charges sociales, imposition sur le capital). Les sujets sont nombreux où un lissage est également nécessaire : droit civil, droit des affaires, marché du travail. Créons un droit commercial franco-allemand, base d’un droit des affaires européen unifié ! Le marché domestique franco-allemand doit devenir un marché harmonisé par le haut pour empêcher une forme de concurrence, disons, asymétrique.

• Sur la base d’une nouvelle politique militaire commune avec des budgets de défense à la hauteur des enjeux actuels, disposer d’une force de frappe plus ambitieuse.

• Revoir de manière approfondie le sujet de l’apprentissage des deux langues dans les deux pays. Qui dit langue, dit attractivité. Qui dit attractivité, dit bassin d’emplois. Or le gisement d’emplois commun de nos deux économies reste un facteur encore largement sous-utilisé. L’attractivité, c’est aussi une manière de communiquer.

L’établissement de nouveaux symboles avec, notamment, la transformation des commémorations françaises de l’armistice de 1918 le 11 novembre, en journée franco-allemande de l’Europe en 2018, pouvant, à terme, devenir le jour férié de référence fêtant l’Europe. Ce 11 novembre 2018 serait aussi la date idéale pour la signature officielle du nouveau traité d’alliance entre la France et l’Allemagne.

La liste des actions à mener est longue.

Enfin, pour penser et faire l’Europe du 21e siècle de manière pragmatique, mais qui ne soit pas pour autant exclusive pour nos autres voisins européens, repartir d’un noyau Paris-Berlin par projets. Que ceux qui le veulent suivent, le fassent en s’agrégeant aux projets concrets franco-allemands, et non par traités à dix, quinze ou vingt pays. Ça ne fonctionne pas. À défaut, repartir de la base : le club de Rome.

L’époque du "moteur" franco-allemand est loin derrière nous et il convient sans doute de l’aborder avec le même esprit que celui de la révolution digitale.

De toute manière, les moteurs que l’on développe aujourd’hui sont hybrides, hybrides plug-in ou à l’hydrogène. Certainement plus des diesels, même en norme Euro 6.

Chiche ?

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