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Un pouvoir passé trop vite de Moscou à Bruxelles


Le Premier ministre hongrois et président du parti Fidesz, Viktor Orban, prononce son discours sur l'état de la nation devant ses partisans et sympathisants au centre culturel Varkert Bazar à Budapest, le 18 février 2018. / Attila Kisbenedek/AFP

Suite aux élection législatives en Hongrie ce 8 avril 2018, et à la large victoire du Premier ministre europhobe Victor Orban, la fracture Est-Ouest en Europe se confirme.

Visiblement, en Pologne, en Hongrie, en Slovaquie voire en République Tchèque, les Européens de l’Est ne se reconnaissent plus dans les valeurs démocratiques des Européens de l’Ouest. Pour appréhender ces différences, il faut se souvenir que Mai 68 représente une libération en France alors qu’à Prague cela finit en oppression. En effet, en Tchécoslovaquie à l'époque, débuta le 5 janvier 1968 un mouvement de libéralisation, un "socialisme à visage humain", avec l'arrivée au pouvoir du réformateur Alexander Dubček. Ce mouvement s’achèva brutalement le 21 août 1968 avec l’invasion du pays par les troupes du Pacte de Varsovie.

Aujourd'hui, les peuples d’Europe centrale et orientale portent une attention exarcerbée aux enjeux de souveraineté. Partager sa souveraineté est déjà difficile et laborieux pour un pays comme la France ou comme le Royaume-Uni. C’est d’autant plus difficile pour ces Etats qui ont reconquis leur liberté en même temps que leur souveraineté. En effet, ces jeunes Etats-nations n’ont pas eu beaucoup de temps avant d’entrer dans l’Union européenne, ce qui leur donne l'impression de passer de Moscou à Bruxelles !

Ce qui unit les populistes de l'Est est leur combat pour l'identité culturelle. La résistance contre les élites n'est pas économique mais identitaire. Sur quinze pays d'Europe de l'Est, sept sont gouvernés par des populistes. Leur projet de « contre-révolution culturelle », essentiellement identitaire, vient heurter de front les valeurs défendues par l'Europe de l'Ouest depuis soixante ans, au risque de déstabiliser l'Union européenne. Les électeurs populistes n'y sont pas les « perdants » de la mondialisation comme en Italie du Sud ou au nord de la France. La Pologne n'est pas non plus une « victime » de Bruxelles, elle est la première bénéficiaire des fonds structurels. La résistance contre les élites n'est pas économique mais identitaire. Ce besoin identitaire est plus fort à l'Est, parce que ces pays ne se sont pas constitués par l'Etat, comme ce fut le cas à l'Ouest, mais justement comme communautés culturelles, souligne justement le politologue Zaki Laïdi. Et cette identité s'est trempée dans l'histoire : elle a été capable de résister à soixante-dix ans de domination soviétique.

La crise des des réfugiés a mis la plaie à vif. La décision de relocaliser les réfugiés a été prise au Conseil européen à la majorité qualifiée sans l’accord de plusieurs pays d’Europe centrale. Mais cela touchait à une corde sensible qui est celle de l’identité nouvellement conquise après des décennies d'oppression sous le glacis soviétique.

Il est clair que nous n'avons pas connu la même histoire et les mêmes souffrances, d'un coté et de l'autre du rideau de fer. La question maintenant est de savoir quel est le degré acceptable de diversité au sein d’une Union européenne fondée sur des intérêts mais aussi des valeurs. La Hongrie a connu un afflux important de demandeurs d’asile, ce qui n’est par contre pas le cas de ses voisins. Si l’arrivée de réfugiés est loin d’être massive, cette revendication a connu un large écho populaire, alors que des responsables politiques – en Hongrie comme en Slovaquie – ont attisé ces braises pour se relancer politiquement. Et introduire des dérives scandaleuses anti-démocratiques comme celles du gouvernement de Victor Orban.

Mais si l’on continue à vouloir contraindre ces Etats à accepter des demandeurs d’asile, on avivera plus encore les tensions sur ces sujets identitaires au sein de l’Union. L'ouverture des frontières et le multiculturalisme ne peuvent pas emporter l'adhésion contre la société fermée. L'objectif est trop vague, le cadre sans limite, le but trop imprécis, le tout laisse grande ouverte la porte aux peurs.

La Commission européenne a déjà annoncé en 2018 la mise en œuvre de l’article 7 du Traité de l’Union européenne, qui peut amener à la suspension du droit de vote d’un Etat au sein du Conseil européen en cas de non-respect des valeurs de l’UE. Cela n'a pas eu les effets escomptés visiblement. De même, on peut douter d'un hypothétique conditionnement des fonds structurels alloués à la Pologne et à la Hongrie, qui n'aurait comme effet qu'un durcissement de leur position contre Bruxelles, la nouvelle capitale dominante. Et un durcissement des régimes qui en profitent pour transformer leurs appareils politiques en ce qui s'appelle des dictatures.

La pression ne peut être que politique et diplomatique au sein des familles politiques et dans les relations entre Etats membres.

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