La crise migratoire, et son million de déplacés qui affluaient en masse vers l'Europe, est jugulée. Mais pas la peur de l'invasion et de la perte d'identité, qui est viscéralement présente au coeur de tous les peuples du continents européen. Les crises économiques, migratoires et identitaires, qui ont porté leurs coups de butoir contre l'Europe depuis plus d'une décennie, ne la laisse pas indemne. C'est un paysage d'après guerre que les crises laissent derrières elles, ne lui laissant même plus le temps de panser ses plaies. Les maladies opportunistes et les infections se développent sur un corps affaibli. Le populisme remue le couteau dans des plaies encore vives.
En 2015, l'afflux de migrants en Europe avait atteint son paroxysme avec un afflux de plus d'un million de personnes, à cause notamment de la tragédie syrienne. En 2016, l'afflux n'était plus que de 172 000 personnes, au sein d'une population de plus de 500 millions d’Européens. Cette année, on ne dénombre plus que 40 000 migrants en 6 mois. La baisse est spectaculaire, la crise migratoire est endiguée.
En 2015, les réfugiés étaient surtout syriens, irakiens ou afghans. Ils arrivaient par la Grèce et la route des Balkans. En mars 2016, l’Union met en place un accord avec la Turquie qui, en échange d’une aide financière de 3 milliards d’euros par an, va retenir sur son sol les réfugiés qui s’y trouvent déjà en grand nombre, et va reprendre ceux qui réussissent malgré tout à passer en Grèce. Ce qui a fermé la route des Balkans à 97%.
Des accords du même type ont été signés avec la Libye, le Niger et d’autres pays d’Afrique subsaharienne qui reçoivent en échange de leur coopération une aide financière. Là aussi, le résultat a été spectaculaire depuis l’année dernière : les entrées ont chuté de 77 %.
À ces accords se sont ajoutés la construction de barrières physiques en Europe, notamment entre la Hongrie, la Serbie et la Croatie, ou encore entre la Macédoine du Nord et la Grèce, afin de couper la route des Balkans. Des contrôles renforcés aux frontières intérieures de l’espace Schengen (en particulier à Vintimille entre la France et l’Italie) sont mis en place.
L’Union a aussi créé un corps de garde-frontières et de garde-côtes européens de 3 000 agents (une proposition qui était en panne depuis 30 ans). Il est maintenant proposé de faire passer leur nombre à 10 000 à partir de 2021.
Les actes sont clairs et les effets sont clairs: il n’est pas question de rouvrir les frontières de l’Union à l’immigration.
Il reste encore à régler la question du droit d’asile. Angela Merkel et Emmanuel Macron ont envisagé, de créer des « centres » en Afrique du Nord sous contrôle de l’ONU, afin de trier sur place ceux qui pourront y faire leur demande d’asile et les autres migrants économiques.
Il est aussi proposé des centres de tri en Espagne, et en Italie, comme ils existent déjà en Grèce (les « Hotspot »), financés par l’Union. Cependant, le risque est de se retrouver avec des migrants déboutés de leur demande d'asile, mais que l'on ne saurait plus renvoyer, faute souvent de connaître leur nationalité ou à cause du refus de leur État de les reprendre. Rome refuse donc ce type de camp sur son territoire.
Il reste aussi à régler les mouvements des migrants qui se déplacent vers les pays réputés plus accueillants pour faire leur demande de droit d'asile, et de répartir le fardeau entre les pays européen de façon plus équitable. La Grande-Bretagne et les pays de Visegrad s'y sont refusé. Les pays comme l'Autriche, la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie ou la Slovénie, refusent catégoriquement d’accueillir des étrangers chez eux.
Malgré ces dissensions persistantes, il est clair que la crise migratoire est aujourd'hui endiguée.
Cela n'a pas empêché le ministre de l’Intérieur italien de la Ligue (extrême-droite), Matteo Salvini, de ranimer la peur de la migration de masse pour renforcer le populisme dont il vit. Contre toute nécessité, il a décidé de brutalement fermer les ports de son pays aux migrants sauvés en mer par les ONG, afin de créer un coup d'éclat fort apprécié par son électorat. Son collègue allemand, Horst Seehofer, membre de la CSU, la branche bavaroise de la CDU, talonné par l’extrême-droite de l’AfD, réclame lui un durcissement de la politique migratoire allemande. Enfin, le chancelier autrichien conservateur Sebastian Kurz, qui a confié le ministère de l’Intérieur aux néo-nazis du FPÖ, vient de proclamer la naissance d’un « axe des pays de bonne volonté » contre l’immigration, constitué de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie.
Après tant d'autres crises majeures qui ont laissé des marques encore vives, c'est bien une crise de plus qui profite de la fatigue et des peurs exacerbées des peuples européens. Ce n'est pas une crise migratoire, mais bien une crise politique et nationaliste.