Le Belge Guy Verhofstadt, chef de file des libéraux et centristes européens, confirme dans un entretien à Ouest-France qu’il fera campagne avec Emmanuel Macron aux élections européennes de mai 2019. Le mouvement commun sera lancé en octobre.
Résumé de l'entretien:
Les prochaine élection européennes seront une lutte entre les populistes nationalistes d’une part, et une alternative pro-européenne.
Il y a une crise européenne, il faut la reconnaître.
Un candidat sans liste transnationale, est une anomalie démocratique, sans base démocratique. Il faut créer cette démocratie transnationale: Nous devons avoir dans notre mouvement des partis paneuropéens et des gens qui ne sont pas de votre nationalité.
Les gens pensent que la crise migratoire, c’est l’Europe. Ce n’est pas la réalité, c’est le manque d’Europe le problème.
Il faut une refondation européenne, notamment sur la manière de décider. Il faut casser l’unanimité. Ce système qui est un brin confédéral, un brin intergouvernemental, un brin requérant l’unanimité, ne peut plus fonctionner. On prend les décisions, mais toujours trop tard. Et les décisions sont toujours trop molles, pas à la hauteur de l’enjeu.
Mais naturellement, si on ne fait pas gaffe, cela va disparaître. Rien n’est éternel.
Heureusement, on a le Brexit. Il illustre la vague populiste, mais il a provoqué aussi une sorte de résurrection de l’attachement à l’UE au sein des opinions publiques. Même les populistes n’osent plus dire qu’ils veulent sortir de l’UE. Et ils se jettent sur la question migratoire.
Nous les pro-européens, on doit se saisir de l’opinion publique qui est consciente de tout cela. Et cesser avec les demi-mesures qui ne résolvent rien.
C’est une occasion à saisir maintenant. La prochaine crise peut achever l’UE.
Guy Verhofstadt s’allie avec Emmanuel Macron pour les élections européennes qui se dérouleront en mai prochain. Le patron des libéraux et centristes au Parlement européen, groupe ADLE, forme un mouvement avec En Marche aux européennes de mai 2019. Il sera lancé en octobre. Le nom n’est pas encore connu, mais « Génération Europe » tiendrait la corde.
Entretien :
Comment votre groupe va-t-il se positionner aux prochaines européennes ?
Après la rencontre entre le Hongrois Orban et l’Italien Salvini, la lutte, en 2019, sera une lutte entre les populistes nationalistes d’une part, et une alternative pro-européenne. Avec Emmanuel Macron, on n’a pas seulement la même analyse, mais plus ou moins les mêmes propositions. Le discours de la Sorbonne est très largement soutenu chez les partis de l’ADLE. On est prêt à créer avec Macron cette alternative.
À faire partir du même groupe après les élections ?
Oui, c’est évident.
Sous l’étiquette ADLE ? Sous un nouveau nom ?
Je ne sais pas, on est en train d’en discuter. Mais ce sera quelque chose de nouveau, un mouvement. Une alternative pro-européenne aux nationalistes. Notre groupe est prêt à y participer dès maintenant, sans attendre.
Vous allez faire campagne ensemble ?
Je pense qu’il faut se présenter ensemble, oui.
Sous un même étendard ?
Chaque parti va garder ses symboles, mais on crée un mouvement plus large. L’objectif c’est de créer un groupe décisif dans le futur parlement, un outil pour arrêter la vague nationaliste.
Pour dire quoi ?
On peut tout dire sauf que l’Union européenne marche bien. La grande différence entre les nationalistes et nous, ce n’est pas sur l’analyse. C’est sur les recettes. Il y a une crise européenne, il faut la reconnaître. Ne pas le faire, comme le font les partis classiques qui disent qu’on avance à petits pas, c’est de la mauvaise politique. En néerlandais, il y a un proverbe, pour cela. Les mauvais docteurs et leurs demi-mesures laissent les plaies puruler.
Macron est contre la logique des « Spitzenkandidaten », (la tête de liste du parti arrivé en tête devient président de la Commission européenne), or vous avez toujours été pour. Vous avez changé d’avis ?
On était très pour et on est devenu très critiques. On aime les Spitzenkandidaten pour lesquels les gens peuvent voter, mais la justification démocratique, c’était la liste transnationale. Et pour des raisons purement politiciennes, le PPE n’en a pas voulu. Or, en refusant les listes transnationales, ils ont tué le Spitzencandidate. C’est eux qui l’ont tué. Cela reste un système où c’est madame Merkel qui décide qui est le prochain président de la Commission. Ce qui me préoccupe le plus, c’est que le vrai candidat du PPE, c’est M. Orban.
Votre mouvement aura une tête de liste ?
Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant. Quand on était parmi les principaux défenseurs du système du Spitzen, comme une étape vers une démocratie transnationale européenne, ceux qui ont voulu promouvoir ce principe sont en train de le tuer. Castaner parle d’anomalie démocratique si on garde un candidat sans liste transnationale, sans base démocratique. Il n’a pas tort.
Vous ferez vos propres listes transnationales ?
Nous devons avoir dans notre mouvement des partis paneuropéens, comme Volt qui est né l’an passé. Ils ont les mêmes idées. Ensuite, nous devons mettre comme condition pour faire partie de notre mouvement et de notre groupe que sur votre liste vous avez aussi des gens qui ne sont pas de votre nationalité. Pour créer cette démocratie transnationale.
Que proposez-vous sur la crise migratoire ?
Les gens pensent que la crise migratoire, c’est l’Europe. Ce n’est pas la réalité, c’est le manque d’Europe le problème. C’est justement parce qu’il y a un système d’asile basé sur le pays d’entrée, qui nie la solidarité, qu’on est dans l’impasse.
Que préconisez-vous ?
Cela commence par la gestion des frontières extérieures de l’UE. On a fait l’erreur, les pro-européens mous ont fait l’erreur, de ne pas se donner les moyens. On parle d’augmenter le budget de Frontex à 240 millions d’euros. Le Homeland Security aux États-Unis, c’est 62 milliards de dollars. L’erreur commence là. Pour pouvoir gérer le flux des migrants qui ne rentrent pas dans le cadre de l’asile, il faut une politique migratoire.
Avec des quotas annuels ?
Par exemple, mais un système européen, comme les Canadiens en ont un. Nous, on ne l’a pas. Et donc on ne sait pas qui est réfugié ou pas. Et les victimes de ce système, c’est probablement les vrais réfugiés. C’est typique de l’Europe. Sur la défense, les gens ne savent pas que le budget des vingt-sept réunis est trois fois plus élevé que celui de l’armée russe. Je ne suis pas sûr qu’on se défende à la hauteur de ces dépenses.
On commence un truc sans l’achever, et le reste devrait venir spontanément. Ce n’est plus possible. Il faut une refondation européenne, notamment sur la manière de décider. Il faut casser l’unanimité.
La méthode des petits pas est morte ?
C’est fini, oui. Il faut une refondation européenne, notamment sur la manière de décider. Comment voulez-vous dans un monde dominé par l’empire chinois, l’Inde, les Américains, la Fédération russe, et nous, on se réunirait quatre fois par an on déciderait à l’unanimité à vingt-sept ? Cela ne fonctionne pas.
Les Américains ont été capables, neuf mois après le début de la crise financière, de lancer un missile à trois étages : nettoyage des banques (400 milliards de dollars), plan d’investissement sur dix ans (900 milliards), un plan de quantitative easing de 1 200 milliards. Et tout cela en neuf mois. Et deux ans après ils étaient sortis des problèmes, et nous dix ans après on discute encore sur le nettoyage des banques, sur un fond qui ferait un tiers du fond américain. Et le Quantitative Easing on l’a fait à la fin, mais pour éviter la déflation et pas pour relancer l’économie.
Ce système qui est un brin confédéral, un brin intergouvernemental, un brin requérant l’unanimité, ne peut plus fonctionner. On prend les décisions, mais toujours trop tard. Et les décisions sont toujours trop molles, pas à la hauteur de l’enjeu.
C’est un système à bout de souffle selon vous ?
Mais naturellement. Si on ne fait pas gaffe, cela va disparaître. Rien n’est éternel.
Heureusement, on a le Brexit. Il illustre la vague populiste, mais il a provoqué aussi une sorte de résurrection de l’attachement à l’UE au sein des opinions publiques. Au Danemark les sondages disent clairement que les gens ne veulent plus quitter le navire. On voit les difficultés, le chaos que crée la sortie de Grande-Bretagne.
Même les populistes n’osent plus dire qu’ils veulent sortir de l’UE. Et ils se jettent sur la question migratoire. Donc, on voit un changement dans leur langage. Ils voulaient tous sortir de l’euro, Le Pen, Salvini, Strache. Et maintenant ils restent. Ils voient que les gens ne le veulent pas.
Nous les pro-européens, on doit se saisir de l’opinion publique qui est consciente de tout cela. Et cesser avec les demi-mesures qui ne résolvent rien. C’est une occasion à saisir maintenant. La prochaine crise peut achever l’UE.
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