L’éclaireur, l’informateur et le formateur
Une coalition doit réunir à la table des négociation des partis politiques qui viennent de faire campagne en s’opposant frontalement les uns contre les autres, en dénigrant les propositions adverses, en prenant ouvertement position contre d’autres candidats qui étaient des adversaires déclarés. Une campagne électorale ne prédispose donc en rien au compromis, au contraire, elle mine dangereusement le terrain des négociations à venir. La formation d’une coalition avec des ennemis d’hier est une opération à risque qui sera vouée à l’échec si des mesures spéciales ne sont pas mises en place.
La méthode, qui a fait ses preuves au feu, s’apparente à des négociations diplomatiques entre anciens belligérants, tous perdants car tous minoritaires, mais forcés de trouver un accord de paix qui les liera tous et les fera travailler ensemble à la reconstruction. Elle comporte 3 étapes et fonctions distinctes; l’éclaireur, l’informateur, et le formateur.
Comme dans toute opération militaire en terrain miné, il faut d’abord procéder à la reconnaissance. La Seconde Chambre, l’équivalent de l’Assemblée nationale française, désigne un « éclaireur », ou « explorateur » (« verkenner ») qui va s’entretenir avec tous les partis pour trouver les alliances possibles qui obtiendraient une majorité absolue. Certains partis refuseront de s’allier avec d’autres, d’autres seront plus ouverts. L’éclaireur n’est affilié à aucun parti, il n’en représente donc aucun. Il vient s’enquérir des affinités ou des incompatibilités politiques, sans chercher à convaincre. Il dresse un état des lieux de la situation après la bataille électorale.
Puis il soumet son rapport à cette même Seconde Chambre qui l’avait mandaté et qui va pouvoir le remercier, pour nommer ensuite un autre personnage expert en diplomatie politique, un « informateur ». Cette fois, il s’agit d’un négociateur qui va piloter les discussions sur le fond entre les partis de la future coalition. Autant dire que l’on va rentrer dans le vif des discussions, pour ne pas dire des disputes et des crises ouvertes qui aboutissent fréquemment à des blocages. Dans ce cas, chaque parti devra lâcher du leste en allégeant quelques unes des revendications qui achoppent. On sacrifiera aussi l’informateur sur l’hotel de la négociation en le remplaçant par un autre, ce qui effacera les mauvais souvenirs des altercations pour un nouveau départ. Il se peut aussi que l’on change d’alliance avec d’autres partis pour une autre majorité. Enfin, au bout des longues nuits de discussions, un accord sera conclu dans un document d’une centaine de pages rassemblant dans le détail tous le programme, point par point. Il s’agit d’un travail parlementaire en profondeur et de longue haleine, pour doter le pays d’un plan de route très précis.
Lorsque cet accord de coalition est finalisé, il est présenté par l’Informateur à la Seconde Chambre, qui va le remercier, et va désigner un troisième personnage, un « formateur », qui est souvent le futur Premier ministre. Ce dernier provient généralement du parti ayant obtenu le plus de sièges lors des élections. Durant cette ultime phase, le formateur s’entretient avec les candidats pour les postes ministériels et procède à la constitution de l’équipe gouvernementale. Il pourra ensuite être officiellement nommé et présenté au Roi.
C’est ce long processus, de reconnaissance, de négociation puis de formation, qui dure au minimum 6 mois, qui permet d’aboutir à la constitution d’un gouvernement de coalition, un « cabinet », qui pourra inclure jusqu’à cinq partis politiques différents.
Source: PETITES CHRONIQUES DES PAYS-BAS
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