Depuis son entrée en vigueur en 2009, le traité de Lisbonne attribue désormais à l'Union européenne une compétence directe, pleine et entière pour tout ce qui a trait à l’espace, compétence qu’elle partage avec ses états membres. C'est l'occasion d'harmoniser les programmes nationaux et européen qui coexistent aujourd'hui, en un véritable programme spatial européen fédéré, et de lui donner l'élan dont l'Europe a besoin. L'Europe ne manque pas d'agences spatiales ni de compétences, qu'il faut préserver et utiliser là où elles existent.
L'Europe a plus que jamais besoin d'un programme fédéré, et d'une image, qui soit à son échelle et à son ambition. Il revient dorénavant à l’Union de susciter l'adhésion de l'opinion publique et de communiquer au nom d'un programme spatial européen fédéré.
Un nouvel accord sur le spatial européen
Le Parlement européen est parvenu en décembre 2020 à un nouvel accord sur le programme spatial européen qui trace les grandes orientations du spatial de l'Union européenne pour les prochaines années.
Pour la période 2021-2027, une enveloppe de 14,8 milliards a été votée au budget de l'Union pour le programme spatial, soit presque 4 milliards supplémentaires par rapport à la période précédente (2014-2020).
Ce règlement renforce les programmes phares de l’Union Européenne : Copernicus pour l’observation de la Terre, Galileo et EGNOS pour le positionnement par satellite (le « GPS européen »), GovSatCom pour les télécommunications sécurisées, ou le programme de surveillance de l'espace (SSA) pour suivre les débris spatiaux. De plus, il est prévu de développer et mettre en œuvre la constellation européenne de satellites quantiques qui permettra de rendre les télécommunications européennes plus sécurisées.
Une Agence européenne du programme spatial, EUSPA (European Union Space Programme Agency), basée à Prague, est mise en place. Elle remplace l’ancienne agence « GSA » chargée de l'exploitation du système GPS et des applications pour les utilisateurs. La nouvelle agence sera de plus chargée de coordonner certains programmes financés par l’Union Européenne, notamment les plus sensibles comme les télécommunications sécurisées.
De son coté, l'Agence spatiale Européenne ESA conserve ses programmes gouvernementaux, notamment les lanceurs Ariane, les missions scientifiques d'astronomie et d'exploration du système solaire, l'exploration robotisée de la planète Mars, l'observation de la Terre, les satellites de télécommunication, la coopération avec la NASA pour la station spatiale internationale et pour la future station orbitale lunaire.
Le député européen Christophe Grudler, rapporteur pour le groupe Renew Europe au Parlement européen et membre du Modem, se félicite de ce nouvel accord.
" La majorité des programmes spatiaux européens sont développés en collaboration entre l’ESA et l’Union Européenne . L’Europe du spatial s’est construite sur la coopération entre l’ESA, les agences de l’Union Européenne, et les agences des États membres. Et cette coopération est notre force !"
@GrudlerCh @RenewEurope @Renaissance_UE @MoDem
Bref historique, le spatial en Europe, au niveau national et au niveau européen
En 1961 la France se dotait de sa propre Agence spatiale nationale, le CNES, pour mettre en oeuvre ses programmes spatiaux nationaux. A la même époque, elle créa avec ses partenaire européens deux autres Agences européennes, l'ESRO (European Space Research Organisation) pour le développement des satellites, et l'ELDO (European Launcher Organisation pour le développement des fusées. En effet, une mise en commun des ressources financières et techniques de plusieurs pays était devenue nécessaire pour mener à bien des programmes de plus grande ampleur à l'échelle européenne.
Puis s’est ajouté à partir de 1975 l'Agence Spatiale Européenne « ESA », née de la fusion des deux Agences précédemment crées, ESRO et ELDO. Cette agence européenne ne devait ni remplacer ni chapeauter les agences nationales, mais développer des programmes en commun que les Etats décidaient de lui confier, au cas par cas. Les pays disposaient toujours en Europe de leurs agences nationales propres pour mener à bien leurs programmes spatiaux nationaux.
Pour faire un parallèle avec les Etats-Unis, l’ESA est la NASA européenne, tandis que l’Agence spatiale française (CNES), ou allemande (DLR), ou italienne (ASI), sont comme le laboratoire universitaire de l’Etat de Californie « Jet Propulsion Laboratory » (JPL) qui travaille à la fois localement pour le compte de son université californienne le « CIT », mais aussi avec la NASA sur des programmes fédéraux de plus grande ampleur. Ce qui fait que il n'existe pas un programme spatial fédéral américain, ou un programme spatial européen, mais des programmes spatiaux nationaux qui côtoient un autre plus grand programme au niveau fédéral, ou européen.
On en était resté là, avec somme toute une organisation relativement classique des activités spatiales en Europe, tout comme aux Etats-Unis, avec d’un coté, des agences nationales, que l’on pourrait qualifier de locales, ou territoriales, et de l’autre une agence à l’échelle européenne pour les programmes « fédéraux » ou inter-étatiques. En effet, l’Agence Spatiale Européenne est bien une organisation inter-gouvernementale dont les programmes sont décidés par les gouvernements eux-mêmes lors de réunions entre chefs d’Etats, ou le plus souvent, entre ministres d’Etats.
L'Union Européenne
Par ailleurs, depuis les années 60, les Etats européens avaient lancé la construction européenne en suivant une toute autre voie, celle de la communauté et du contrôle parlementaire, qui est l’exact opposé d’un arrangement inter-gouvernemental. L’Europe s’était doté d’un parlement européen élu démocratiquement, ainsi que d’un exécutif, la Commission, chargée d’élaborer et de mettre en place les programmes européens non spatiaux. Ici aussi, les Etats conservaient leurs ministères et administrations pour gérer leurs affaires nationales.
La politique spatiale en Europe, réservée à l'Agence Spatiale Européenne, échappait donc aux compétences de la Commission et aux politiques communautaires. Elle restait entre les mains de l’ESA et de ses Etats membres, qui s’entendaient entre eux pour décider de programmes « à la carte ». En quelques décennies, le programme spatial européen de l'ESA s'est hissé à un rang mondial dans le domaine notamment des lanceurs, de la Science et de l'observation de la Terre.
Le traité de Lisbonne
Le traité de Lisbonne signé en 2007 et entré en vigueur fin 2009, attribue désormais à l'Union Européenne une compétence directe, pleine et entière pour tout ce qui a trait à l’espace, compétence qu’elle partage avec ses états membres. L'union peut désormais traiter dans son ensemble des questions relatives aux activités spatiales, qu'il s'agisse des lanceurs, des satellites, des vols habités ou d’exploration, des collaborations internationales…
Au niveau européen, il s'est opéré donc depuis un glissement de compétences de l’Agence Spatiale Européenne vers la Commission Européenne, cette dernière venant récemment d’endosser son nouveau rôle de décideur des politiques spatiales européennes. A partir de ce moment, il faut repenser les rôles respectifs de l'Union, de l'ESA, et des Etats membres pour harmoniser et fédérer et saisir cette chance pour l'Europe d'aller de l'avant.
Pour autant, il ne s'agit pas de créer une autre Agence Spatiale Européenne supplémentaire. Dans les faits, l'Union Européenne ne peut que s'enorgueillir des compétences de l'Agence Spatiale Européenne dont le bilan est largement positif, ainsi que de celles des Agences spatiales nationales. L'Union Européenne se doit de préserver ces capacités et les faire siennes.
Pour développer les systèmes européen Galileo (navigation) et Copernicus (Observation de la Terre), l’Union Européenne, qui ne disposait pas d’agence spatiale opérationnelle propre, a délégué la maitrise d’ouvrage à l’Agence Spatiale Européenne. Cette dernière a donc fait coexister dans une même structure, d’une part les programmes intergouvernementaux financés par les contributions nationales, et d’autre part ceux de l’Union européenne, financés par la Commission. Cette méthode s'est montrée efficace et a permis de préserver la flexibilité nécessaire à la mise en œuvre de la politique spatiale européenne.
L’ESA devrait ainsi pouvoir consolider son rapprochement avec l’Union pour devenir le « bras armé » de la Commission en matière de développement de programmes industriels dans le domaine spatial.
Vers un programme spatial européen fédéré
L'Union se doit de définir un programme à l'échelle européenne, avec les Agences nationales et l'Agence spatiale Européenne, en fonction de ses politiques communautaires, afin de veiller à la cohérence d'ensemble.
L'Europe n'a pas besoin d'une énième Agence spatiale supplémentaire, mais bien d'un programme spatial européen fédéré. Il incombera à l'Union de définir la politique spatiale européenne, qui ne serait plus seulement la juxtaposition de ses programmes nationaux, qui idéalement cesserait d'être une expression intergouvernementale portée par l'ESA uniquement, pour devenir une expression transnationale porté par une entité forte de 500 millions de citoyens.
Il revient aussi et surtout à l’Union de susciter l'adhésion de l'opinion publique et de communiquer au nom d'un programme spatial européen fédéré.