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Municipales 2020: des idées venant des Pays-Bas

La Haye, Pays-Bas. Photo © Christophe Carreau

En vue des élections municipales qui auront lieu en France en Mars 2020, la République en Marche (LaREM) consulte ses adhérents qui vivent hors de France - je n'aime pas dire "à l'étranger" pour l'Europe.

"Les Français de l’Étranger ont eux aussi un rôle à jouer dans ce temps fort de la vie politique de notre pays : partout à travers le monde, vous êtes les témoins privilégiés de bonnes pratiques mises en place au sein des villes dans lesquelles vous résidez. Aidez-nous à recenser ces outils et usages autour de la transition écologique, la démocratie locale, la mobilité, le logement, la sécurité, la culture, l’éducation afin de nourrir le programme de nos candidats, en faveur de nos concitoyens partout sur le territoire français." LaREM.

Vivant avec bonheur aux Pays-Bas depuis plus de vingt ans, après avoir vécu à Rome en Italie, je suis devenu avant tout un européen de France. Mes enfants, qui ont grandi aux Pays-Bas et qui ont obtenu leur baccalauréat français dans un environnement multi culturel, ou leur baccalauréat international, vivent aujourd'hui à Berlin en Allemagne, à Stirling en Ecosse, ou à La Haye aux Pays-Bas. L'un d'entre eux voyage dans les pays d'Europe centrale (de l'est) pour son travail.

Je suis heureux d'avoir été consulté pour donner quelques suggestions, issues de mon mode de vie aux Pays-Bas. Ce sont des façons de faire qui correspondent à un autre pays que la France et une autre mentalité, mais un pays européen très proche et tout à fait "compatible". Ces idées ne sauraient être considérées comme des solutions prêtes à l'emploi, entièrement transposables en l'état en France, mais plutôt comme des greffons qui auraient toutes les chances de prendre, pour peu qu'on les adapte.

Enfin, je reconnais bien volontiers avoir perdu le fils des évolutions récentes de la vie en société en France, puisque je réside et vis aux Pays-Bas depuis plus de 20 ans. Certains aspects ci dessous sont certainement partagés en partie par des pratiques qui se sont développées aussi en France. Ce texte n'est pas la liste de ce qui ne va pas en France, mais un descriptif de la vie aux Pays-Bas dont la France pourrait s'inspirer.

LA TRANSITION ECOLOGIQUE / ECOLOGIE

Voiture électriques

Des avantages fiscaux sont concédés aux entreprises, principalement des chauffeurs de taxis, qui achètent des voitures 100% électriques. La TVA (BTV), ainsi que l'autre taxe à l'achat des véhicules (BPM), sont drastiquement réduites. Il existe ainsi une flotte entière de taxis "Tesla" entièrement électrique à l'aéroport international de Schiphol. De plus, les municipalités s'engagent à installer gratuitement une borne de rechargement à proximité du domicile des particuliers faisant l'acquisition d'une voiture entièrement électrique.

Vélo électriques

Plus de la moitié des achats de bicyclettes sont électriques. Voir la rubrique "mobilité" ci dessous.

Le tri des déchets

De façon courante, la municipalité organise le dépôt et la collecte sélective des végétaux et biodégradables, du papier, du verre, du plastique et conserves, des vêtements, des chaussures et des piles.

Les éoliennes

Les Pays-Bas construisent des éoliennes sur terre comme sur mer, en petits groupes ou en concentration, depuis des décennies. Contrairement à la ressource solaire peu abondante, l'énergie éolienne souffle à profusion ici..

Note: En matière d'énergies renouvelables (non fossiles et sans emission de carbone), le bilan des Pays-Bas est encore loin d'être positif. En 2017, l’Allemagne et le Royaume-Uni étaient en tête de l’effort: les deux pays cumulaient à eux seuls 56% de l’essor des énergies renouvelables depuis trois ans. Contrairement à sa réputation, la Hollande est presque en queue de peloton en ce qui concerne les énergies renouvelables. https://www.europe-unie.org/single-post/2018/02/03/Forte-progression-des-énergies-vertes-en-Europe

LA MOBILITE

Le vélo

Le vélo est ici non seulement un mode de transport mais aussi un mode de vie. Il contribue grandement à la diminution du stress, à l'amélioration de la santé et à une attitude positive de la population grace à la pratique d'une activité physique régulière, à l'accroissement de l'autonomie et de la liberté de circuler, principalement pour les enfants et les étudiants.

L'usage du vélo dans la vie quotidienne contribue à la baisse de la pollution. Il contribue aussi à l'embellissement des zones urbaines et des parcours, les pistes cyclables pouvant passer par des itinéraires plus attrayants que des rocades ou périphériques.

Il favorise la revalorisation des centres des villes et des bourgades, car le vélo favorise les trajets courts, les courses d'appoint plus fréquentes. On préférera se rendre à vélo dans les petits commerces de proximité plutôt que dans les grandes surfaces dans les zones commerciales à l'américaine de la périphérie.

Hommes et femmes se retrouvent à égalité sur un vélo. Les propos dénigrant comme "les femmes au volant" ne trouvent plus leur place. Le statut social, l'affirmation de la masculinité et la misoginie disparaissent. Les hommes peuvent tout autant que les femmes aller faire des courses à vélo, ou aller chercher leurs petits enfants à l'ecole.

Delft, Pays-Bas. Photo © Christophe Carreau

Un principe de base: Ne pas fournir les vélos en libre service, mais investir dans les infrastructures.

Il ne s'agit pas de fournir des vélos en location ou en libre accès. Le vélo reste la propriété de l'utilisateur qui le choisira en fonction de ses utilisations, sportive ou de tourisme, tout terrain ou citadine . Par contre, il s'agit de procurer aux citoyens les infrastructures nécessaires et sures, les pistes cyclables, la signalisation, les abris, afin de protéger le cycliste et son équipement.

Les vélos en libre accès sont des transports en communs, ou une extension de ceux-ci. Mais ils ne participent pas, ou peu, à la généralisation du vélo comme mode de vie, comme aller de chez vous dans le centre ville pour faire des courses, aller à l'école ou au cinéma, ou au club de sport ou aux cours de danse, ou pour faire une sortie sportive ou culturelle. Il est important de posséder son propre vélo pour l'utiliser ensuite à de multiples occasions. Le vélo personnel ne remplace pas les transports en commun pour des distances supérieures à 10km, mais cela ouvre un champs de mobilité et de liberté supplémentaire que la voiture ne peut procurer. Cela rend la vie de tous les jours plus intelligente, plus équilibrée et sociale. Se mouvoir en vélo par les pistes cyclables est infiniment plus valorisant que se déplacer seul enfermé en voiture sur des grandes voies encombrées.

On pourra aussi arguer du fait que le vélo convient à un pays plat comme les Pays-Bas. Il faut néanmoins preciser que le vent souffle très souvent dans le plat pays et que cela ne décourage pas les cyclistes. De plus, l'essor du vélo électrique a radicalement changé la donne au point de se substituer à la voiture pour des distances de 10 à 15 km. Plus de la moitié des ventes de vélos neufs aux Pays-Bas sont des vélos électriques.

Voici un petit film de quelques minutes - la vidéo a été accélérée x 4 - d'un parcours d'une dizaine de km, et qui dure en réalité 30 minutes, et que je fais chaque jour à vélo pour me rendre à mon travail:

Il faut garder à l'esprit qu'un cycliste se met en position de vulnérabilité par rapport aux voitures qui l'entourent. Le vélo est par essence, une activité qui comporte un risque physique important, et tout cycliste qui circule en ville le ressent, inconsciemment ou pas, en permanence. Il faut donc protéger en aménageant des pistes distinctes des routes, c'est à dire qui ne soient pas matérialisées par une simple bande de peinture au sol sur laquelle les automobilistes roulent allègrement. Il faut établir une distinction physique, par une séparation et par une couleur au sol, autant que possible. Partout où les cyclistes peuvent rouler, ils doivent se sentir non seulement dans leur droit, mais aussi en sécurité à l'abri des voitures. Les automobilistes doivent comprendre que, lorsque la route est partagée avec la piste, ils sont chez les cyclistes pour lesquels ils doivent prêter une attention particulière, et non l'inverse.

La protection passe aussi par la loi. En cas d'accident, un automobiliste devra systématiquement avoir tord du point de vue légal. Les cyclistes sont trop vulnérables pour être tenus légalement responsables. Cette protection légale concerne les assurances en cas d'accident, mais cela n'exempte pas les cyclistes de devoir respecter le code la route. Chaque automobiliste sait que les vélos ont priorité légale absolue, c'est à dire pour le règlement des assurances en cas d'accident. Cela ne veut pas dire que les cyclistes ne doivent pas respecter le code la route. Les cyclistes payent des amendes si ils ne respectent pas un stop ou si ils n'ont pas de lumières en fonctionnement par exemple. Ils sont verbalisés comme tous les conducteurs.

La protection passe aussi par l'aménagement d'abris à vélo aussi nombreux que possible, surtout en centre ville, où déposer, cadenasser et reprendre son vélo doit être aussi commode que possible.

Les Pays-Bas ne sont pas les seuls à avoir compris tous les avantages du vélo pour la vie de tous les jours. Le Danemark, à Copenhague en particulier, s'y met aussi:

LA SECURITE

La police est présente en grand nombre aux Pays-Bas, et partout. Où qu'on aille, on croise des voitures de police tout le temps et partout. Elles circulent et patrouillent en permanence. C'est une différence frappante avec la France.

Le niveau de sécurité en milieu urbain est élevé. Les jeunes gens et les jeunes filles peuvent circuler en toute tranquillité tard le soir dans une grande ville comme La Haye.

Journée des vétérans, La Haye, Pays-Bas. Photo: © Christophe Carreau

La police organise régulièrement des campagnes d'information contre les vols et les effractions. Elle parle directement avec la population et la conseille.

Il y a des radars pour controller la vitesse partout. Les contrôles sont stricts et les amendes sont appliquées méthodiquement.

LA CULTURE

Les Pays-Bas sont le pays des musées par excellence où la culture est une pratique. On trouve des musées de toutes sortes et partout, dans chaque ville de taille grande ou moyenne. Même les petits villages possèdent leurs musées de l'histoire locale et des traditions. Leurs visites motivent des sorties culturelles régulières, au point qu'il existe un programme à l'échelle nationale, via une carte annuelle coutant 65 euros par adulte ou 32 euros par enfant, qui donne accès gratuitement à - presque - tous les musées, soit plus de 400 dans tout le pays.

Musée municipal La Haye, Pays-Bas. Photo © Christophe Carreau

On peu ainsi initier une visite un jour, même si l'exposition n'est pas attirante au premier abord, et la reprendre un autre jour au détour d'une sortie en ville ultérieure.

L'EDUCATION

Les cours à l'école font une grande place à l'autonomie, à la responsabilité et au travail de recherche et de présentation devant une audience. Par rapport aux classes françaises, il y a moins de cours magistraux, les élèves étant moins mis en situation d'écoute passive et de soumission à l'autorité professorale. De plus, on pratique l'encouragement et l'entretien de la motivation, et non le dénigrement par la critique systématique de ce qui ne va pas.

A force de dénigrer les élèves, cela amoindrit leur confiance en eux et leur autonomie. Cela les rendra moins entreprenants dans leur vie, que ce soit pour contribuer à changer la société ou se mettre à leur compte.

Cela ne veut pas dire que les élèves néerlandais sont irrespectueux de l'autorité. Les enfants en classe primaire doivent toujours serrer la main de leur maîtresse en entrant dans la classe, avant d'aller s'assoir. A l'âge de 4 ans, ils ont chacun en charge individuellement une plante en pot, et collectivement, un animal, comme un lapin ou une poule, ou des plantes comme un arbuste ou du blé.

Ce système de responsabilisation est poussé à l'extrême par la suite. Il appartient aux élèves de se prendre en main eux mêmes, et de faire face à leurs responsabilités très tôt. Il leur appartient de décider de leur avenir par leurs actes, sans que les parents soient impliqués et informés, sans qu'ils soient alertés des résultats scolaires dangereusement mauvais (!). C'est aux élèvent de comprendre qu'il faut bien travailler pour se donner un avenir, et il n'appartient pas aux parents de les pousser. (!)

LA DEMOCRATIE LOCALE

Tout comme les élèves décident eux-même de leur conduite et de leur avenir sans en référer à l'autorité parentale, les citoyens ont droit à la parole et peuvent décider sans se soumettre au jugement de l'autorité. Leur avis sera respecté. De manière générale, la distance entre l'autorité, l'administration, la police, l'armée, la gendarmerie, les professeurs, les médecins etc ... et les citoyens est beaucoup plus réduite qu'en France. Les uns sont au service des autres, qui en retour les respectent. On parle d'égal à égal. On peut ainsi aborder le roi Willem Alexander qui se promène en ville à Wassenaar où j'habite. Cela n'est pas fréquent, mais cela arrive et ne choque personne. Ce qui choquerait serait bien le contraire, c'est à dire une distance hautaine et condescendante de la part de la royauté ou des autorités vis à vis des administrés.

Lors d'élections municipales, les programmes et les projets des partis politiques sont rendus publics de façon très détaillés. Ils mentionnent des sujets pratiques et locaux, comme l'implantation d'éolienne en bordure d'un village, ou le maintient d'espaces verts ou de petites fermes d'élevage au coeur d'une bourgade. Les sujets sont traités à un niveau local, et ne sont pas retranscrits dans un débat d'idées et de principes au niveau national. Il n'est pas rare que des élus appartenant au même parti politique fasse des recommandations opposées car appliquées à des communes et des cas différents. Par exemple, le même parti politique dira non aux éoliennes à un endroit, alors qu'il pourra les approuver ailleurs.

Un comparatif concret et neutre des programmes électoraux

Pour chaque élection, locale ou nationale, des sites internet regroupent et détaillent les offres et le programmes des partis politiques sur une plateforme unique. Il est aussi possible, en répondant à un questionnaire en ligne, de se voir suggérer les programmes et partis politiques qui répondent le mieux aux réponses et aux attentes de chacun.

Le vivre ensemble

Les néerlandais attachent beaucoup d'importance à ce qu'ils appellent le "samenleven", le "vivre ensemble", fait de tolérance, d'assistance, de respect et de pacifisme, et qui est érigés en loi cardinale de la vie en société. Cela pourrait se résumer à "vivre ensemble en harmonie". Les visiteurs fraichement débarqués de France sont souvent frappés par l'atmosphère bon enfant et sans stress qui règne dans la société néerlandaise. Il est fréquent d'entendre les journalistes aborder un problème de société, comme l'accueil des demandeurs d'asile, ou l'afflux des touristes en centre ville, ou les débordements pendant des match de football, ou le vieillissement de la population, en considérant d'abord les conséquences que ces problèmes engendrent sur le fameux "vivre ensemble", qu'il s'agit de constamment préserver . Le "ensemble" se décline en de multiples formes, comme par exemple le "vieillir ensemble" du programme d'aide aux personnes âgées, qui les met en contact avec de plus jeunes qu'eux pour les soutenir. Ou encore le programme "en bonne santé ensemble" concernant tous aspects de la santé au quotidien et d'une bonne hygiène de vie.

Les cafés

La démocratie locale s'exerce beaucoup dans les cafés et les lieux de convivialité. Les néerlandais sont les champions de la discussion de bar, souvent arrosée de bière. Ces lieux de discussion et de convivialité sont présents en grand nombres dans les villes et villages aux Pays-Bas, alors qu'ils ont été éliminés des centres des bourgades en France, sous l'influence dévastatrice des gigantesques centre commerciaux en périphérie. Ces lieux de détente et de d'échanges sont présents partout où cela est possible, que ce soit au club de sport, à la patinoire municipale ou à l'université. Le vivre ensemble est une responsabilité partagée, que les néerlandais entretiennent avec une certaine ferveur.

Leiden, Pays-Bas. Photo © Christophe Carreau

Le volontariat

Le volontariat est une activité quasiment "professionnelle" au Pays-Bas. Il touche absolument tous les secteurs d'activité, partout dans la société, et s'insère profondément dans les activités professionnelles de la population dite "active". La seule différence avec les "actifs" est que ces travaux de volontariat ne sont pas rémunérés en argent, mais en nature. Les volontaires sont reconnus comme tels et possèdent une carte officielle qui leur donne des réductions de prix à l'achat de biens ou de services, en échange de quoi ils s'engagent à fournir un certain nombre d'heures au service de la société.

Les journées porte-ouverte

Les néerlandais aiment visiter les lieux et bâtiments, d'ordinaire inaccessible au grand public, lors de journées porte-ouverte, comme la caserne des pompiers, le moulin antique, le blockhaus de la seconde guerre mondiale, la base militaire locale, la gendarmerie, ou les locaux techniques de l'Agence Spatiale Européenne implantée sur la commune. Ils aiment voir ce qu'ils financent de leurs impôts, ce qui leur appartient et doit leur revenir d'une certaine manière. Ils aiment la transparence dans l'utilisation des deniers publics.

La lien entre les sociétés civile et militaire.

Les trois corps d'armée (Terre, Air et Marine) organisent chaque année des journées porte-ouverte ou des rassemblements avec démonstrations, spécialement pour le grand public. Ces évènements ont lieux sur les communes où les bases et les aéroports sont implantés. Il existe aussi une journée de commémoration et de célébration dédiée aux vétérans (Veteranendag) ayant participé aux conflits, parfois récents, où les Pays-Bas se sont engagés. Ces vétérans ne sont donc pas nécessairement des anciens. Ces journées sont le moments de prouver la reconnaissance et le soutien que la société civile voue à ses soldats engagés. Il y a une certaine ferveur et sympathie populaire qui s'y exprime et qui fortifie autant qu'elle exprime le lien entre les sociétés civile et militaire.

Le commando Trepel

Dans la nuit du 27 au 28 février 1944, le capitaine Charles Trépel et 5 autres hommes, disparaissaient en raid sur les côtes de Hollande à Wassenaar. Chaque mois de février, une commémoration à lieu sur cette même plage de Wassenaar aux Pays-Bas en présence des autorités et associations néerlandaise et francaises. A cette occasion, ce sont les deux drapeaux, français et néerlandais, qui commémorent ensemble, la disparition de soldats français sur le sol néerlandais.

Commémoration de Wassenaar 73 ans après la mort des six Commandos des Forces françaises libres, 2017, Ambassade de France aux Pays-Bas

Les commémorations aux monuments aux morts devraient aujourd'hui se faire dans cet esprit européen en rassemblant les pays qui hier se faisaient la guerre sur ce continent.

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