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Crise énergétique: de la CECA à RePowerEU


La France doit s’engager résolument dans la politique énergétique européenne RePowerEU. Ce projet global européen RePowerEU de la Commission peut et doit mobiliser tous les Européens. La révolution de l’hydrogène offre à l’Europe une opportunité historique : se refonder autour d’une Union énergétique en tenant finalement les promesses de Robert Schuman pour la CECA il y a 70 ans.


Ce qui se joue aujourd’hui est une énième crise énergétique auxquelles les pays européens sont finalement habitués et auxquelles ils ont toujours répondu par des politiques nationales indépendantes. Ce qui se joue aujourd’hui est le résultat de politiques nationales divergentes entre des nations qui ont toujours fait « cavalier seul », en particulier la France et l’Allemagne, dans le domaine énergétique considéré comme un attribut de souveraineté nationale. Aujourd’hui, suite au déclenchement de la guerre en Ukraine et à la grave crise énergétique qui en découle, la Commission Européenne propose met en place le plan « Energie et pacte vert » d’approvisionnement en hydrogène vert, véritable politique énergétique européenne. Il est grand temps, pour ne pas dire urgent, de retrouver l’esprit fondateur qui prévalait à la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) en 1952, et que les nations européennes, en particulier la France, adopte et soutienne cette politique énergétique véritablement européenne dans le « mix énergétique » de ses approvisionnements.


L’ironie de l’histoire a fit que la CECA, créée en 1952 entre les 6 nations fondatrice de la Communauté Européenne (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg), n’a finalement jamais pu jouer son rôle qui était de créer une politique énergétique commune. Elle a en revanche mis en place un système institutionnel précurseur qui fut transposé en 1957 à la Communauté Economique Européenne (CEE), puis en 2009 à l’Union européenne (UE), ce qui fit d’elle un acte fondateur de l’Europe par son esprit. Malgré les bonnes intentions, l’énergie est restée jalousement dans le giron de la souveraineté étatique qui ne se partage pas facilement, même en cas de crise majeure, comme ce fut le cas de manière répétée dans notre passé récent, et de nouveau aujourd’hui avec la crise déclenchée par la guerre en Ukraine depuis février 2022.


Aujourd’hui, la crise énergétique exacerbe les divergences entre Paris qui produit son électricité à partir de l’atome, et Berlin, avec du gaz. La divergence se cristallise en un désaccord sur un système européen de plafonnement du prix du gaz, que Berlin refuse de peur d’éloigner ses fournisseurs. Les Verts allemands se sont remis à critiquer le modèle nucléaire français alors que Paris refuse de pousser le gazoduc Midcat qui pourrait alimenter les Allemands depuis l’Espagne en Hydrogène vert dans le cadre du grand projet européen European Hydrogen Backbone EHB (1).

Force est de constater qu’il n’y a jamais eu de politique européenne de l’énergie et que la France refuse toujours de s’embarquer avec détermination dans le projet global européen RePowerEU de la Commission. Un tel projet peut et doit mobiliser tous les Européens. La révolution de l’hydrogène offre à l’Europe une opportunité historique : se refonder autour d’une Union énergétique en tenant finalement les promesses de Robert Schuman pour la CECA il y a 70 ans.

 

Petite histoire des crises et des divergences des crises énergétiques depuis la fin de la guerre.


Alors que les gisements de charbon s’épuisaient en Europe dans les années 50, d’autres énergies performantes et compétitives firent leur apparition: hydroélectricité, nucléaire, pétrole et gaz. Ce fut l’âge d’or de l’abondance énergétique pour le continent dont l’industrie était en plein essor. Alors que la Belgique et le Royaume Uni s’engageaient dans le développement d’un parc nucléaire important, la France, riche des gisements de ses colonies, préférait de son coté le pétrole et le gaz, avec l’hydroélectricité en complément.


L’indépendance de l’Algérie en 1962, suivi par la perte du contrôle économique des hydrocarbures du Sahara en 1968, allait bouleverser la politique énergétique française. A partir de 1970, le Général de Gaulle donna aux hydrocarbures une place dominante dans le mix français (70%), bien plus que dans celui de l’Allemagne (50%).


Le choc pétrolier de 1973, provoqua des déficits commerciaux, une forte inflation et la dépréciation du franc, ce qui ouvrit une longue période de divergence économique entre la France et l’Allemagne. De ce traumatisme naquit le programme nucléaire français, au moment même où les autres pays européens gelaient leurs programmes suite aux accidents de Three Mile Island (1979) et Tchernobyl (1986). En faisant appel à une technologie américaine (Westinghouse) et franco-américaine de l’atome (Framatome), et à une ingénierie belge (Empain-Scheider), EDF construisit en deux décennies un parc d’une soixantaine de réacteurs. La part du nucléaire dans le mix français passa de 1% en 1970 à 17% en 2000, une part trois fois supérieure à celle de l’Allemagne, pour qui les hydrocarbures étaient restés largement dominants (2).


A la même période, avec les progrès de l’intégration européenne, la mise en œuvre du marché unique et l’avènement de l’euro, commençait à se poser sérieusement la question d’une politique énergétique européenne. Elle se heurta frontalement aux souverainetés nationales des nations jalouses de leurs prérogatives. Les instances européennes se replièrent donc sur les deux seules stratégies qu’elles avaient en main; celle de l’économie et de la libéralisation des marchés d’une part, puis celle de l’écologie et des énergies renouvelables de l’autre. Dès 2003, les nations furent contraintes d’ouvrir leurs marchés à la concurrence et de démanteler leurs anciens monopoles.


Fin 2008, l’Union européenne adopta un « Paquet énergie-climat » qui demandait aux Etats membres, sans mesure contraignante, d’atteindre en 2020, 20% d’énergies renouvelables dans leur mix énergétique, de réduire leurs émissions de CO2 de 20% et d’accroître leur efficacité énergétique de 20% : c’était le fameux 3×20, qui est loin d’être atteint en 2022, notamment en France en ce qui concerne la part des énergies renouvelables.


A cette époque, les Etats européens ouvrirent largement leurs marchés énergétiques aux importations, tout particulièrement de gaz naturel, dont les prix sur le marché mondial avaient chuté fortement à partir de 2008. On se mit à construire des pipeline (Nord Sream 2) pour relier directement la Russie à l’Allemagne. En deux décennies, les importations de gaz de l’Union européenne firent un bond de 50% pour atteindre 3 200 TWh en 2021. Ce qui fait que dans le cas précis du gaz, les situations de la France et de l’Allemagne, et des autres pays européens, ne se distinguent guère, avec une prépondérance du gaz dans le mix énergétique. La France tente de masquer sa dépendance au gaz en vantant son fameux programme nucléaire, mais qui sait que les 470 TWh d’importation gazières de la France en 2021 ont représenté 131% de sa production d’électricité nucléaire ? (2)


La période fut marquée par des « cavaliers-seuls » aussi bien du coté français que du coté allemand. Alors que les prix de l’électricité pour les consommateurs étaient comparables en France et en Allemagne en 1995, les gouvernements français, grâce à la production de son parc nucléaire, imposèrent à EDF une réduction de 30% de ses tarifs réglementés entre 1996 et 2008, créant un écart compétitif entre les deux rives du Rhin. Quant à l’Allemagne, elle prit la décision unilatérale en 2011, suite à l’accident de Fukushima et à la pression montante des partis écologiques, de démanteler son parc nucléaire d’ici la fin des années 2022, ce dont elle peut aujourd’hui se mordre les doigts.


La crise énergétique d’aujourd’hui, comme celles d’hier, menace gravement directement l’industrie manufacturière et agricole européenne dont des pans entiers sont en péril. L’inflation en Europe menace le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, avec les conséquences sociales et politiques que l’on imagine, la crise des gilets jaunes en France couvant toujours. Les appels à la sobriété, qui paraissent bien dérisoires face à l’énormité des enjeux, se multiplient. Une avalanche de mesures d’urgence est annoncée, la dernière en date lors du Conseil européen en octobre 2022.


Ce sont d’abord des boucliers énergétiques nationaux, qui visent à protéger ménages et entreprises. A ce jour, 500 milliards € d’aides ont été annoncées par les différents gouvernements européens qui, ironie du sort sur le plan climatique, sont autant de subventions pour des énergies fossiles importées (gaz naturel, fioul, essence et diesel).


La nouveauté aujourd’hui est qu’il y a une réponse au niveau européen. La Commission européenne a présenté en mai 2022 son plan RePowerEU avec l’objectif d’atteindre 20 millions de tonnes d’hydrogène vert en 2030 dans le mix énergétique européen, dont la moitié à produire en Europe et l’autre moitié à importer. On parle de 780 TWh, une part significative des importations européennes de gaz naturel. Dans plusieurs pays d’Europe, des hubs d’hydrogène vert voient le jour, dont certains atteignent 10 GW (l’équivalent d’autant de tranches nucléaires) avec des mises en service dès 2025 : production d’énergie renouvelable compétitive dédiée (solaire dans la péninsule ibérique, éolien en mer du Nord), installation d’électrolyseurs à grande échelle, transport d’hydrogène par pipeline (European Hydrogen Backbone EHB), utilisation de l’hydrogène en remplacement du charbon, du gaz et du pétrole dans la production d’acier, d’engrais, de verre, d’électricité, de chaleur… et la mobilité.


L’Allemagne, qui cherche désespérément à soulager son industrie au bord de l’asphyxie, soutient activement le projet européen. Mais rien n’y fait, la France continue son cavalier-seul, en s’opposant aux infrastructures transfrontalières de l’hydrogène vert.


En mai 2022, lors de la conférence « Hydrogène vert pour un avenir européen durable » à Berlin organisée par les allemands, malgré les demandes appuyées du gouvernement allemand, malgré la présence des ministres de l’éducation et de la recherche allemande (Bettina Stark-Watzinger), et italienne (Cristina Messa), la Présidence française de l’Union Européenne a préféré pratiquer la politique de la chaise vide ! Personne en France n’a évoqué dans les média l’incompréhension et l’irritation que le cavalier-seul français a provoqué à la chancellerie allemande.


En juin 2022, la Commission a proposé à Bruxelles la dernière mouture de son plan European Hydrogen Backbone (EHB), une initiative lancée deux ans auparavant par l’entreprise allemande OGE, qui ambitionne 28 000 km de canalisations d’hydrogène couvrant l’ensemble du continent, à construire d’ici à 2030. Mais la France s’est opposé au projet MidCat d’interconnexion gazière à travers les Pyrénées pour relier la péninsule ibérique au reste de l’Europe. Il fallu se reporter vers une solution alternative, le projet BarMar d’un pipeline sous-marin d’hydrogène vert connectant Barcelone à Marseille et remontant vers le Benelux et l’Allemagne via la vallée du Rhône. Ce projet est loin d’être pérennisé.


Force est de constater qu’il n’y a jamais eu de politique européenne de l’énergie et que la France refuse toujours de s’embarquer avec détermination dans le projet européen RePowerEU de la Commission. Un tel projet peut et doit mobiliser tous les Européens. La révolution de l’hydrogène offre à l’Europe une opportunité historique : refonder autour d’une Union énergétique en tenant finalement les promesses de Robert Schuman pour la CECA il y a 70 ans.


#UE #RePowerEU #CECA ##robertschuman


Sources

(1) Tensions entre la France et l’Allemagne : pourquoi le tandem moteur de l’Europe bat de l’aile (Sud Ouest) https://www.sudouest.fr/international/europe/tensions-franco-allemandes-pourquoi-le-tandem-moteur-de-l-europe-bat-de-l-aile-12748387.php

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