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Les déclarations des Droits de l’Homme de 1789 et 1948


Introduction résumé


La France ne jure que pas la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dont elle fut à l’origine en 1789. Pourtant, il existe bien une autre déclaration ultérieure des Droits de l’Homme, celle de la Charte Européenne des Droits Fondamentaux de 1948, qui prévaut partout ailleurs en Europe. Ce nouveau texte répond aux préoccupations de l’époque moderne de l’après guerre, et fait référence à des mentalités, des cultures et des organisations sociales différentes.

  • Déclaration de 1789

Inspirée de la déclaration de l'indépendance américaine de 1776 et de l'esprit des Lumières, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 marquait le début d'une ère politique nouvelle.


L’article 1, celui qui occupe le premier rang dans la declaration, est:


« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

  • Déclaration de 1948

Après les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, la communauté internationale décide d’élaborer une seconde Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1948.


L’article 1 de la déclaration de 1789 a été ré-écrit :


« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »


Cet article omet la notion "d’utilité commune", et intègre la « dignité » et l’individualisme, « les uns envers les autres », dans un esprit de « fraternité » ce qui induit des conceptions et des divergences profondes dans l’organisation sociale.


  • Droit national versus droit individuel & international


La Déclaration de 1789 garantit des droits à l’homme en tant que citoyen. La définition et la garantie de ces droits sont conditionnées par l’appartenance à un État particulier et soumises au pouvoir de celui-ci.


Par contraste, la Déclaration de 1948 conçoit l’homme de façon plus réaliste que ne le faisaient les philosophes des Lumières, en lui reconnaissant un métier, une famille, une patrie, une religion. Toutes ces appartenances sont considérées comme autant de dimensions antérieures à l’État. Par ailleurs, cette même déclaration entend assurer la protection de l’homme contre la puissance de l’État et la dictature. Elle cherche à protéger directement les personnes en leur offrant une protection supranationale et en imposant la primauté des droits de l’homme sur le droit national. Le droit international établit un ordre moral supranational à vocation planétaire.


  • L’utilité commune versus l’intérêt commun

Aujourd’hui, on peut s’interroger sur la signification de cette seconde phrase de l’article 1er du texte de 1789, alors que l’économie de marché impose des distinctions sociales qui ne semblent reposer que sur l’économie et l’argent.


L’utilité commune semble inexorablement reculer derrière des impératifs d’économie de marché et d’économie financière répondant à une logique de mondialisation et du surendettement de la puissance publique.


  • La richesse et les privilèges indus versus la liberté et la dignité des individus


En 1789, le problème en France était la richesse indue des classes privilégiées dans un contexte révolutionnaire de lutte des classes. Il s’agissait d’affirmer l’existence d’un peuple et de sa liberté au sein d’une nation, incarnée et défendue par l’Etat.


En 1948, le problème était celui de la dictature, des ravages de la pauvreté et des nationalismes exacerbés qui avaient mené à la guerre et aux destructions épouvantables. C’était l’affirmation des principes démocratiques, du droit individuel et la dignité pour chacun.

  • L’arrogance versus l’excellence

J. Attali (6) décrit les travers de cet esprit français issu de l’esprit de la déclaration de 1789. « La culture française, pour qui le scandale est la richesse et non la pauvreté, diffère donc des pays de tradition protestante pour qui c’est exactement l’inverse : le scandale, c’est la pauvreté.


De fait, beaucoup de gens, en France, confondent alors compétence et arrogance, excellence et privilèges, élitisme et favoritisme. Un musicien doit il s’excuser de sa virtuosité ? Un savant de ses découvertes ? Un peintre de son talent ? Quand on sait, faut-il s’en excuser ?

Ce comportement n’est pas innocent, et se trouve à la source de ce qui peut détruire l’âme de la France. Car on en vient à dénoncer toute réussite, même venue du travail, comme étant la traduction d’un privilège immérité : comme si tout succès était nécessairement la traduction d’un privilège indu. »


 

Dossier développé


Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (1)


Inspirée de la déclaration de l'indépendance américaine de 1776 et de l'esprit des Lumières, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 marquait le début d'une ère politique nouvelle. Elle n’a cessé dés lors d’être une référence. La Ve République a explicité son attachement à elle en la citant dans le préambule de sa constitution, et le Conseil constitutionnel a reconnu en 1971 sa valeur constitutionnelle.


L’article 1, celui qui occupe le premier rang dans la declaration, est:


« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »




La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 (2)


Après les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, la communauté internationale décide d’élaborer une Charte Internationale de Droits, pour affirmer les valeurs mises en avant dans la lutte contre le fascisme et le nazisme. Cette seconde Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est adoptée par la troisième Assemblée Générale des Nations Unies, le 10 décembre 1948, à Paris.


L’article 1 de 1789 a été ré-écrit :


« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »


Cet article omet la notion "d’utilité commune", et intègre la « dignité » et l’individualisme, « les uns envers les autres », dans un esprit de « fraternité » ce qui induit des conceptions et des divergences profondes dans l’organisation sociale.



C’est sur cette seconde Declaration de 1958 que repose la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). On peut constater l’interprétation évolutive qui en a été faite depuis par les instances internationales, en particulier par la CEDH.


Quelles differences entre 1789 et 1948 (3)?


Quelle que soit l’époque retenue, les droits de l’homme partagent, à première vue, des traits communs: ils sont fondés et fonctionnent sur la base d’une conception individualiste et libérale de l’homme. Ils défendent la liberté du sujet contre tout ce qui s’oppose à sa volonté.


Droit national versus droit individuel & international


S’agissant de la Déclaration de 1789, l’homme dont celle-ci proclame les droits est le citoyen, c’est-à-dire l’homme émancipé de ses attaches naturelles et surnaturelles et déterminé par sa participation à la "res publica ». La Déclaration de 1789 enferme par ailleurs les droits de l’homme dans le cadre du droit national: elle garantit des droits à l’homme en tant que citoyen. La définition et la garantie de ces droits sont conditionnées par l’appartenance à un État particulier et soumises au pouvoir de celui-ci.



Par contraste, la Déclaration de 1948 conçoit l’homme de façon plus réaliste. Il n’est plus l’idée que s’en faisaient les philosophes des Lumières, mais une personne humaine ayant un métier, une famille, une patrie, une religion. Toutes ces appartenances sont considérées positivement, comme autant de dimensions de l’existence antérieures à l’État. Par ailleurs, cette même déclaration entend assurer la protection de l’homme contre la puissance de l’État et la possible immoralité de son droit positif. Elle cherche à protéger directement les personnes en leur offrant une protection supranationale et en imposant la primauté des droits de l’homme sur le droit national. Une grande nouveauté de l’après-guerre a donc consisté à revêtir les droits de l’homme de la supériorité juridique du droit international sur le droit national. Concrètement, tout homme s’est vu reconnaître «le droit d’avoir des droits» (Hannah Arendt) en dehors de son État. Par cette étape, les personnes ont pu briser le plafond de verre que leur opposait jusqu’alors la souveraineté nationale et accéder au niveau politique supranational au sein duquel l’humanité vaut citoyenneté et reconnaissance des droits attachés à cette qualité. Mais, en absorbant ainsi la morale des droits de l’homme, le droit international a établi un ordre moral supranational à vocation planétaire. La morale reste dominée et définie par le droit, non plus national mais supranational.


L’utilité commune versus l’intérêt commun (4)



Aujourd’hui, on peut s’interroger sur la signification de cette seconde phrase de l’article 1er du texte de 1789, alors que l’économie de marché, et en particulier les marchés financiers, imposent des distinctions sociales qui ne semblent reposer que sur l’argent. Il est aussi essentiel de se questionner sur le contenu même de l’utilité commune et de sa place dans une société de marché.


L’utilité commune semble inexorablement reculer derrière des impératifs d’économie de marché et d’économie financière répondant à une logique de mondialisation. L’utilité commune apparait également comme la première victime du surendettement de la puissance publique. L’Etat et les collectivités publiques doivent faire des économies. Cet impératif de bonne gestion vient en concurrence frontale avec la capacité du service public à œuvrer pour l’utilité commune. Néanmoins, l’utilité commune affirme sa résistance au travers de la notion de bien commun de plus en plus revendiquée en réponse à mondialisation.


La richesse et les privilèges indus versus la liberté et la dignité des individus (5)


En 1789, le problème en France était la richesse indue des classes privilégiées dans un contexte révolutionnaire de lutte des classes. Il s’agissait d’affirmer l’existence d’un peuple et de sa liberté au sein d’une nation, incarnée et défendue par l’Etat.


En 1948, le problème était celui de la dictature, des ravages de la pauvreté et des nationalismes exacerbés qui avaient mené à la guerre et aux destructions épouvantables. C’était l’affirmation des principes démocratiques, du droit individuel et la dignité pour chacun.



La France reste attachée à sa version nationale de 1789, qui a également fondé son Etat. Les pays nordiques d’inspiration protestante se réfèrent plus volontiers à l’esprit de la déclaration de 1948 qui s’inscrit moins dans un esprit de lutte des classes que dans celui de la liberté et de la dignité individuelle. Les pays anglo-saxon tiennent pour valeurs cardinales les 4 libertés édictées par le président des États-Unis Franklin Roosevelt dans son discours sur l'état de l'Union (américaine) en 1941:


- la liberté d'expression

- la liberté de religion

- la liberté de vivre à l'abri du besoin

- la liberté de vivre à l'abri de la peur


Dans les pays anglo-saxons, la concurrence libre et non faussée, est perçue comme une protection fondamentale pour les individus qui peuvent entreprendre, produire, acheter et vendre à égalité de chance.



L’arrogance versus l’excellence (6)

J. Attali décrit les travers de cet esprit français issu de l’esprit de la déclaration de 1789.


« La culture française, pour qui le scandale est la richesse et non la pauvreté, diffère donc des des pays dominés par le protestantisme ou le judaïsme, pour qui c’est exactement l’inverse : le scandale, c’est la pauvreté.


Lors du débat de l’entre-deux-tour de l’election présidentielle française en avril 2022, on a souvent entendu dir que « Emmanuel Macron a été arrogant ». Cette accusation n’est pas nouvelle et ne s’adresse pas qu’à lui. Elle vise toute personne faisant preuve de connaissance ou de compétence et qui, maladroitement parfois, ne fait pas l’effort de le cacher.

De fait, beaucoup de gens, en France, confondent alors compétence et arrogance, excellence et privilèges, élitisme et favoritisme. Un musicien doit il s’excuser de sa virtuosité ? Un savant de ses découvertes ? Un peintre de son talent ? Quand on sait, faut-il s’en excuser ?


Ce comportement n’est pas innocent, et se trouve à la source de ce qui peut détruire l’âme de la France. Car on en vient à dénoncer toute réussite, même venue du travail, comme étant la traduction d’un privilège immérité : comme si tout succès était nécessairement la traduction d’un privilège indu.


La France ne pourra pas se plaindre de la mauvaise qualité de son système éducatif ou de son système de santé aussi longtemps qu’elle ne valorise pas (en termes de statut social et de revenus) ceux qui sacrifient neuf ou dix ans de leur vie à des études supérieures difficiles.

Dans cinq ans, si nous n’avons pas, à tous les niveaux, redonné toutes ses lettres de noblesse à l’excellence, si notre classe politique n’est pas très largement composée de gens très compétents, si nos médecins et nos enseignants ne sont pas mieux considérés (sinon rémunérés) que nos chanteurs, nos footballeurs ou nos influenceurs, le pays sera en chute libre. »


Sources

(1) https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/

(2) https://www.humanium.org/fr/normes/declaration-universelle-droits-homme-1948/

(3) https://www.lesalonbeige.fr/les-differences-entre-les-droits-de-lhomme-de-1789-et-ceux-de-1948/

(4) https://www.leclubdesjuristes.com/les-publications/utilite-commune/

(5) C. Carreau

https://www.europe-unie.org/single-post/le-traité-de-rome-est-une-inspiration-du-benelux

(6) J. Attali

https://www.attali.com/societe/arrogance-et-excellence/




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